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le 09/10/2016 à 18:34:57
L’Europe du gaz (2e partie)
http://multinationales.org/Comment-la-Commission-et-les-industriels-cherchent-a-imposer-le-gaz-de-s chiste Comment la Commission et les industriels voudraient imposer le gaz (de schiste) aux Européens 18 mars 2016 par Olivier Petitjean À des années-lumières de ses beaux discours sur le climat, la Commission européenne souhaite un développement massif du gaz sur le vieux continent, à travers la construction de gazoducs et de nouveaux terminaux méthaniers destinés à accueillir, notamment, le gaz de schiste américain. Une politique qui va directement à l’encontre d’une véritable transition énergétique. Quelques mois après la Conférence de Paris, les beaux discours de la COP21 paraissent déjà bien oubliés dans les couloirs de la Commission européenne. Foin de transition et d’énergies renouvelables : à Bruxelles, l’heure est plutôt à la promotion massive et sans état d’âmes du gaz. La stratégie de sécurité énergétique dévoilée il y a quelques semaines par la Commission prévoit d’encourager la construction de terminaux méthaniers, de gazoducs géants comme le « Corridor Sud » (lire le premier volet de cette enquête) et d’autres infrastructures gazières aux quatre coins de l’Europe. Le « plan Juncker », destiné à relancer l’investissement dans les grands projets en Europe, bénéficiera (entre autres) à des projets relatifs aux énergies fossiles malgré son objectif affiché d’encourager la transition. Sur les 195 « projets d’intérêt commun » identifiés par la Commission dans le cadre de l’Union de l’énergie, 77 concernent de nouvelles infrastructures gazières, et 7 des infrastructures pétrolières. À quoi il faut ajouter la politique européenne en matière d’accords commerciaux [1]. Au final, les initiatives actuelles de la Commission semblent poursuivre un seul objectif : créer une nouvelle offre massive de gaz sur le vieux continent, financée à coup de milliards d’euros d’aides publiques directes et indirectes. Avec pour objectif explicite de réduire la dépendance de l’Europe envers le gaz russe, et de favoriser la concurrence. Mais aussi, implicitement, de défendre les intérêts des industriels de l’énergie face aux risques de la transition – y compris au détriment d’objectifs climatiques plus ambitieux. Le 2 mars dernier, la Commission a d’ailleurs annoncé, dans sa communication « La voie après Paris », qu’elle n’entendait pas revoir à la hausse ses objectifs de réductions d’émissions en 2018, comme le prévoit l’Accord international conclu lors de la COP21, jugeant ses engagements suffisants jusqu’en 2030. La révision en 2018 à la hausse des objectifs nationaux annoncés par les gouvernements du monde en vue de la COP21 est pourtant considérée par beaucoup d’observateurs comme le véritable test de l’effectivité de l’Accord de Paris. En l’état actuel, les engagements pris par les gouvernements entraîneraient en effet un réchauffement global des températures allant bien au-delà des 2ºC. Dans cette perspective, le message négatif délivré par la Commission a fait grincer bien des dents, y compris parmi les ministres de l’Union [2]. Propagande gazière Pourquoi une telle focalisation sur le gaz, au-delà de la menace très hypothétique que la Russie ferait peser sur le vieux continent ? L’influence des industriels semble avoir joué un grand rôle. Menacés par l’essor des énergies renouvelables, les géants européens de l’énergie militent ouvertement pour la fin des mesures de soutien à celles-ci (comme la priorité d’accès sur les réseaux de transport d’électricité) et mettent en avant le gaz comme solution idéale pour une transition. La Commission européenne et nombre de gouvernements nationaux semblent n’avoir que trop bien assimilé le discours qui leur est ressassé par l’industrie (lire nos articles ici et là). Pas très étonnant, sans doute, lorsque l’on sait que les deux commissaires européens chargés des questions énergétiques, Maroš Šefčovič et Miguel Arias Cañete, ont consacré 80% de leurs rendez-vous à des représentants du secteur privé au cours de leur première année en fonction [3]. En réalité, malgré le discours développé depuis des années par l’industrie pétrolière et largement repris par la Commission, le gaz n’a rien d’une énergie « propre ». Ni au niveau local, comme vient le rappeler la controverse qui entoure en France les impacts sanitaires de l’exploitation du gaz à Lacq [4] et de nombreux autres exemples dans le monde (lire par exemple notre article sur les activités gazières de Total au Nigeria), ni au niveau global. Du point de vue climatique, les importations de gaz naturel liquéfié sont triplement nocives : au niveau de la combustion du gaz, par exemple dans une centrale électrique, bien entendu ; mais aussi au niveau de son transport par voie maritime (un secteur très polluant mais non couvert par l’Accord de Paris) ; et enfin au moment de l’extraction du gaz, qui provoque des fuites de méthane – un gaz à effet de serre bien plus puissant que le CO2 - dans l’atmosphère. En outre, de nombreuses études ont établi que la fracturation hydraulique, indispensable pour extraire le gaz de schiste et les autres gaz non conventionnels, entraîne des dégagements de méthane largement supérieurs aux forages classiques. Portes d’entrée françaises Pourtant, une grande partie du gaz qui serait ainsi importé en Europe à l’avenir sera très probablement du gaz non conventionnel. La France s’est d’ores et déjà positionnée comme une des principales portes d’entrées du gaz de schiste américain en Europe, puisque les deux firmes énergétiques nationales, EDF et Engie, ont toutes deux signé des accords d’approvisionnement en gaz naturel liquéfié à partir de 2017 avec la firme américaine Cheniere (lire notre article). Si les intérêts pétroliers et gaziers des deux rives de l’Atlantique obtiennent gain de cause dans le cadre des négociations du Tafta, les contrats d’approvisionnement de ce type seront appelés à se multiplier. Le gaz australien, lui aussi identifié par la Commission comme une source potentielle de GNL pour l’Europe, est également pour partie du gaz non conventionnel : c’est le cas par exemple du GNL issu du projet Gladstone de Total (lire notre enquête à propos de ce projet). La France est d’ailleurs elle aussi concernée par les projets de nouvelles infrastructures gazières. Elle dispose actuellement de quatre terminaux méthaniers pouvant recevoir du gaz naturel liquéfié : trois (un à Montoir-en-Bretagne et deux à Fos-sur-Mer [5]) sont gérés par Engie (ex GDF Suez) et la construction du dernier, propriété d’EDF (65,01%), Fluxys et Total, est en cours d’achèvement à Dunkerque. Pas moins de trois nouveaux projets sont sur la table : l’agrandissement des terminaux de Montoir et Fos Cavaou, et la construction d’un terminal supplémentaire à Fos-sur-Mer, « Fos Faster LNG », par les firmes néerlandaises Vopak et Shell. Une demande artificielle Ces nouveaux projets correspondent-ils à une demande existante de gaz, ou bien visent-ils au contraire à créer cette demande de toutes pièces ? « Avec les terminaux existants et celui de Dunkerque sur le point d’être achevé, la seule filière GNL, sans les gazoducs existants ou en projet, peut déjà fournir la quasi totalité des besoins en gaz de la France. Ces besoins stagnent depuis plus de 10 ans, et sont susceptibles de chuter avec les politiques d’efficacité énergétique. Or, l’agrandissement de Montoir et les deux autres projets pourraient multiplier par deux la capacité de regazéification en France, dénonce Antoine Simon, des Amis de la terre Europe. C’est une absurdité totale. » Même scénario au niveau européen » « Les terminaux LNG en Europe fonctionnent actuellement à autour de 20% de leurs capacités. Les investissements menés dans ce secteur semblent tout bonnement ridicules. » Un décompte réalisé en 2015 par l’association professionnelle GIE, Gas Infrastructure Europe, dénombre 28 terminaux méthaniers existants en Europe, 8 en cours de construction, et 26 planifiés. Ce qui conduirait à doubler à terme la capacité de regazéification de l’Union. Dans une tribune, l’eurodéputé vert luxembourgeois Claude Turmes estime lui aussi que la Commission continue à surestimer massivement de la demande de gaz, comme l’a dénoncé par la Cour des comptes européenne elle-même. « L’infrastructure gazière existante est nettement sous-utilisée à l’heure actuelle et la plus grande partie des infrastructures additionnelles sont un gâchis total d’argent [qui] ne fait que satisfaire les intérêts des promoteurs de gazoducs ou de GNL. J’estime qu’une stratégie gazière appropriée doit cibler la demande et non l’offre, ce qui suppose de concentrer l’attention sur l’efficacité et les économies d’énergie. La crise du gaz est fondamentalement une crise du chauffage. D’énormes quantités de gaz sont brûlées dans des immeubles mal isolés et dans des réseaux de chauffage urbain obsolètes. » Au final, la stratégie gazière présentée par la Commission « n’est rien d’autre qu’une provocation ». « À un moment où tous nos efforts devraient être focalisés sur un avenir à 1,5ºC, la Commission est congelée à -162ºC, la température du gaz naturel liquéfié avec lequel elle espère vainement inonder l’Europe. » Un diagnostic que confirme une étude publiée par trois organisations spécialisées dans l’efficacité énergétique, qui conclut que 90% des projets d’investissements gaziers de l’Union seraient superflus quel que soit le scénario, conduisant à la dépréciation de 11,4 milliards d’euros d’actifs. « Les méga-projets comme Nord Stream 2, le corridor gazier du Sud et tous les autres sont (…) des actifs risqués. » Ou comment la Commission et les industriels soldent doublement l’avenir de l’Europe : du point de vue financier et du point de vue climatique. Olivier Petitjean — Photo : Jens Schott Knudsen CC [1] Avec notamment les projets d’accords Tafta avec les États-Unis et le Ceta avec le Canada : la Commission semble en effet prête à tout pour favoriser les importations de gaz et de pétrole en provenance du continent nord-américain. [2] Lire l’article d’Agnès Sinaï pour Actu-environnement. [3] Du 1er novembre 2014 au 1er octobre 2015. Source : Corporate Europe Observatory. [4] Voir ici. [5] Fos Tonkin, propriété à 100% d’Elengy, filiale d’Engie, et Fos Cavaou, propriété à 70% d’Elengy et à 30% de Total. |
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http://multinationales.org/De-la-mer-Caspienne-a-la-Mediterranee-un-projet-de-gazoduc-geant-symboli se-les De la mer Caspienne à la Méditerranée, un projet de gazoduc géant symbolise les reniements de l’Europe 18 mars 2016 par Olivier Petitjean Quelques mois après la COP21, les institutions européennes souhaitent développer massivement le gaz sur le vieux continent. Elles misent en particulier sur un projet de gazoduc géant en provenance de l’Azerbaïdjan, le « Corridor Sud ». En reniant au passage les engagements européens à la fois en matière de climat et en matière de droits de l’homme et de démocratie. Parmi les bénéficiaires de ce chantier pharaonique, des entreprises bien connues en France : le groupe de BTP Vinci et la Société générale. La société civile promet de transformer le Corridor Sud en « Keystone européen ». Aux États-Unis, la contestation du projet d’oléoduc géant Keystone XL a largement cristallisé la bataille politique sur le climat, jusqu’à ce que l’administration Obama confirme enfin son abandon en novembre 2015. Si ce projet d’oléoduc a pris une telle importance, c’est qu’il aurait permis d’acheminer à moindre coût le pétrole tiré des sables bitumineux canadiens vers les ports du golfe du Mexique, inondant les marchés mondiaux de combustible extrêmement polluant pour plusieurs décennies – et compromettant ainsi tout espoir de contenir le réchauffement des températures globales. L’Europe va-t-elle connaître une bataille de même ampleur autour des grands projets de gazoducs destinés à importer des quantités massives de gaz russe ou azéri ? C’est en tout cas ce que promet une coalition d’organisations citoyennes européennes dans une lettre ouverte dénonçant le soutien politique et financier apporté par les institutions européennes à un projet de gazoduc géant, le « Corridor gazier Sud ». Celui-ci est censé acheminer vers le vieux continent, sur plus de 3500 kilomètres, le gaz de la mer Caspienne, extrait dans les eaux territoriales de l’Azerbaïdjan. Un État gouverné d’une main de fer par le président Ilham Aliyev, dont l’Union s’est considérablement rapprochée ces dernières années en dépit de son bilan déplorable en matière de droits humains. Une bonne affaire La Commission européenne a ainsi attribué au Corridor Sud le label « projet d’intérêt commun » dans le cadre du plan Juncker, ce qui lui permettra de bénéficier de conditions de financement et d’autorisation administrative facilitées. Le vice-président de la Commission européenne Maroš Šefčovič et la « ministre des affaires étrangères » de l’Union Federica Mogherini ont fait le déplacement à Bakou le 29 février dernier pour participer au conseil de surveillance du Corridor Sud. Et surtout, la Banque européenne d’investissement (BEI) s’apprête à accorder un prêt de 2 milliards de dollars pour la portion européenne du gazoduc (Trans-Adriatic Pipeline ou TAP, à travers la Grèce, l’Albanie, puis la mer Adriatique, jusqu’au sud de l’Italie). Un autre prêt d’un milliard d’euros pour la portion turque (Trans-Anatolian Pipeline ou TANAP) serait également en discussion. BP et l’entreprise publique pétrolière azérie Socar sont les principales parties prenantes des consortiums constitués pour construire ces deux portions de gazoduc (avec des entreprises européennes et turque), ainsi que de l’énorme champ gazier de Shah Deniz II, dans la mer Caspienne, dont proviendra le gaz [1]. Les grandes banques privées jouent elles aussi un rôle clé dans ces projets. La Société générale est ainsi chargée de conseiller financièrement le consortium TAP et de l’aider à boucler son financement. Ni la banque française ni la BEI ne semblent s’inquiéter outre mesure du fait que ce consortium a son siège dans la ville de Baar, en Suisse, réputée pour ses conditions fiscales et juridiques particulièrement avantageuses ! Pour les Amis de la terre, la participation de la Société générale au projet est incompatible avec ses engagements récents pour le climat : « Assurer la cohérence entre leur volonté d’aligner leurs financements avec une trajectoire 2°C et leurs activités devraient suffire à pousser la Société Générale et la BEI à renoncer à TAP. » Autre bénéficiaire de ce chantier pharaonique soutenu à bout de bras par les institutions européennes : les entreprises de construction, parmi lesquelles le groupe français Vinci. Celui-ci a obtenu via une filiale le contrat de construction de trois portions du gazoduc TAP, sur environ 400 kilomètres. Le montant de ce marché n’a pas été rendu public. Le début des travaux est annoncé pour mi 2016. Incohérence politique Le soutien massif accordé à ce projet par la Commission et les institutions financières européennes n’est-il pas contradictoire avec les ambitions de l’Union en matière de climat ? C’est ce que dénoncent haut et fort les organisations signataires de la lettre ouverte : « Si le Corridor gazier Sud voit le jour et finit par déverser davantage de gaz en Europe, les chances pour l’UE d’atteindre ses objectifs climatiques pour 2030 et ses objectifs de décarbonisation à plus long terme seront quasi nulles. C’est une question de cohérence politique : le soutien apporté à un tel projet nuirait au but fixé à Paris d’essayer de limiter le réchauffement global à 1,5ºC. Enfin, un nombre croissant d’études (…) montre désormais que la grande majorité des réserves fossiles recouvrables doivent être laissées dans le sol si nous voulons avoir une chance d’éviter un changement climatique catastrophique. » Elles promettent donc de transformer le Corridor Sud en « équivalent européen de Keystone XL ». D’ores et déjà, en Grèce et dans le sud de l’Italie, sur le parcours projeté du gazoduc, les habitants se mobilisent contre le chantier, qui risque de bouleverser la région et ses écosystèmes [2]. En réalité, quoique l’Europe continue à se gargariser de son « exemplarité » en matière climatique, l’heure est plutôt à la régression. Car il n’y a pas que les gazoducs. La « stratégie de sécurité énergétique » dévoilée il y a quelques semaines par la Commission européenne dans le cadre du projet d’« Union de l’énergie » fait la part belle aux grands projets d’infrastructures de transport ou de stockage du gaz, avec notamment d’innombrables projets de création ou d’agrandissement de terminaux méthaniers. Ces derniers seraient destinés à accueillir des importations de gaz naturel liquéfié en provenance du Qatar, mais aussi d’Australie ou des États-Unis … c’est-à-dire dans bien des cas du gaz de schiste ou d’autres gaz non conventionnels (lire le second volet de cet article). Le tout sous prétexte de « favoriser la concurrence », et surtout de prémunir l’Union contre les risques géopolitiques que ferait peser son principal fournisseur de gaz actuel, la Russie. Pour les ONG, c’est autant d’argent – en partie public - qui non seulement ne sera pas investi dans la transition énergétique, mais qui contribuera de fait à enfermer l’Europe dans plusieurs décennies supplémentaires de combustion d’énergies fossiles. Quand l’Europe piétine ses valeurs L’excuse géopolitique – le risque de chantage gazier de la part de la Russie vis-à-vis des pays européens – paraît d’autant moins convaincante qu’elle sert surtout à légitimer un rapprochement encore plus étroit avec des régimes qui ne semblent pas avoir grand chose à envier à celui du Vladimir Poutine sur le plan des droits de l’homme. Cela vaut pour le Qatar, ainsi évidemment que pour l’Algérie, de plus en plus courtisée ces dernières années par les dirigeants européens. Et cela vaut bien entendu pour l’Azerbaïdjan, gouverné d’une main de fer par un régime autocratique qui s’est largement construit sur la base des revenus du pétrole et du gaz. En continuant à entretenir des relations étroites avec Ilham Aliyev et son gouvernement, la Commission choisit de passer outre les critiques aussi bien du Parlement européen que du Conseil de l’Europe et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Le premier a adopté en septembre 2015 une résolution condamnant les nombreux emprisonnements de défenseurs des droits de l’homme, de journalistes et d’opposants politiques dans le pays, et exigeant la fin de toute forme de soutien financier européen au régime azéri. Le second a lancé en décembre une enquête sur le respect par l’Azerbaïdjan de ses engagements en matière de droits humains. La dernière a carrément refusé d’envoyer des observateurs lors des élections de novembre 2015, qui ont délivré une nouvelle majorité écrasante - 91% - au régime en place. Pour les ONG, les financements accordés par la BEI ou d’autres institutions européennes « est contradictoire avec la Charte européenne des droits fondamentaux, qui engage la BEI à ne pas financer des projets qui encourageraient ou soutiendraient des violations de droits humains ». Xavier Sol, directeur de la coalition CounterBalance, enfonce le clou : « Il est dans l’intérêt de l’UE d’avoir pour voisin un Azerbaïdjan démocratique qui respecte l’état de droit ; mais le Corridor gazier Sud ne contribuera pas à atteindre cet objectif. Au contraire, le projet va renforcer le statu quo. » Épouvantail russe Dans le cadre de sa stratégie de sécurité énergétique, la Commission européenne a également préconisé d’instaurer un droit de regard communautaire sur les contrats gaziers passés par les pays membres, afin de s’assurer de leur conformité avec le droit européen de la concurrence. Une disposition qui vise là encore la Russie, dont dépendent de nombreux pays européens pour leur approvisionnement en gaz – à 100% pour ce qui est de la Finlande, de la Lettonie, de la Lituanie, de l’Estonie, de la Slovaquie et de la Bulgarie. La Commission avait déjà usé de cette ligne d’attaque pour faire avorter South Stream, le projet de gazoduc du géant russe Gazprom (avec EDF) à travers la Bulgarie en 2014. Paradoxalement, Gazprom et la Russie pourraient tout de même profiter de la focalisation européenne sur le gaz, même d’origine azérie. D’ailleurs, comme ne se privent pas de le faire remarquer les ONG, le consortium Shah Deniz II, qui doit fournir son gaz au Corridor Sud, compte parmi ses actionnaires une autre entreprise russe très proche du Kremlin, Lukoil. Et dans le même temps, Gazprom continue à pousser le projet d’extension du gazoduc Nord Stream, avec le soutien de l’Allemagne et de ses partenaires européens Engie, Shell, E.On et BASF. Le géant gazier russe a aussi récemment relancé son propre projet de gazoduc trans-adriatique en partenariat avec EDF (via sa filiale italienne Edison). Tous ces projets de Gazprom ont un point commun : ils visent à contourner l’Ukraine, qui reste aujourd’hui la principale voie d’acheminement du gaz russe vers l’Europe. La stratégie actuelle de l’Union européenne ne semble donc pas avoir vraiment de quoi inquiéter la Russie. En revanche, c’est une nouvelle occasion manquée d’incarner une autre voie géopolitique, aussi bien en termes de promotion de la démocratie que de sortie de la dépendance envers les énergies fossiles. Olivier Petitjean Cet article, publié initialement le 18 mars 2016, a été mis à jour le 15 avril pour inclure les informations sur le rôle de la Société générale dans le projet de gazoduc TAP. Lire le second volet de cet article : Comment la Commission et les industriels cherchent à imposer le gaz de schiste à l’Europe — Images extraites du webdoc "Walk the Line", à part la photo de une : Shell CC [1] Le consortium TAP regroupe BP, l’entreprise publique pétrolière azérie Socar, Snam (Italie), Fluxys (Belgique), Enagas (Espagne) et Axpo (Suisse). Le consortium TANAP regroupe BP, Socar et la firme turque BOTAŞ. L’entreprise pétrolière française Total était initialement impliquée dans le projet Shah Deniz II, avant de revendre ses parts en 2014. [2] Sur la lutte contre le projet de gazoduc Corridor Sud, voir le webdoc (en anglais) réalisé par Platform et CounterBalance. |
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